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Accident du travail et maladie professionnelle: Gontrand CHERRIER, Avocat spécialiste au Barreau de ROUEN
23 janvier 2007

Un peu technique...mais super utile !

Quelles sont les raisons justifiant l'inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge à titre professionnel d'une maladie ou d'un accident atteignant un salarié par la CPAM ?

Les articles R441-10 et suivants du Code de la Sécurité Sociale sont relatifs à la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie par les caisses.

A cet égard, l'article R441-11 dispose :

" Hors les cas de reconnaissance implicite, et en l'absence de réserves de l'employeur, la caisse assure l'information de la victime, de ses ayants et de l'employeur préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief.

En cas de réserves de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse, hors le cas prévu à l'article L442-1, envoie avant sa décision à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.

La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle dont un double est envoyé par la caisse à l'employeur. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail. La même procédure s'applique lorsque la déclaration de l'accident en application du deuxième alinéa de l'article L441-2 (accident du travail). Le double de la demande de reconnaissance de la rechute d'accident du travail déposée par la victime est envoyé par la caisse primaire à l'employeur qui a déclaré l'accident dont la rechute est la conséquence."

A partir de cet article une jurisprudence s'est développée mettant à la charge de la caisse primaire des d'obligations d'information préalables à la prise de décision sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie. Ces obligations diffèrent selon les cas d'espèce.

Lorsque cette information n'a pas été régulièrement faite par la caisse primaire, le principe du contradictoire n'a pas été respecté, l'employeur n'étant pas en mesure de se défendre effectivement et efficacement ;  Il en résulte que la décision relative au caractère professionnel lui est inopposable.

L'inopposabilité de la décision sur le caractère professionnel a pour conséquences essentielles :

Ø      L'absence d'augmentation de la cotisation employeur au titre des accidents du travail et maladies professionnels

Ø      Dans l'hypothèse où une faute inexcusable à l'origine de l'accident ou de la maladie du salarié est imputable à l'employeur, la caisse primaire, qui fait l'avance des frais et de l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux

Ø      (moral, physique, d'agrément, esthétique ect…), ne peut se retourner contre l'employeur pour en récupérer le montant

Cass. Civ. 2, 2 mars 2004, n°02-30666

Cass. Civ. 2, 6 avril 2004, n°02-30688

Cass. Civ. 2, 21 septembre 2004, n°02-31213

Pour prétendre à l'inopposabilité de la décision, il est nécessaire de démontrer que la caisse a commis des manquements dans son obligation d'information.

La jurisprudence récente est prolixe et évolutive, la Cour de cassation essayant de déterminer exactement le contour de l'obligation d'information à la charge des caisses.

Cette détermination a été compliquée par le fait qu'entre 2002 et 2003, cette matière qui était justiciable de

la Chambre Sociale

de la Cour de Cassation a été dévolue à la 2ème Chambre Civile, qui semble moins favorable à l'employeur. Il n'est absolument pas certain que la jurisprudence actuelle ne subisse de nouveau des évolutions.

I- Cas d'inopposabilité en l'absence de contestations ou réserves de l'employeur ou de la caisse

  1. Lors de la déclaration formulée par le salarié tendant à voir reconnaître le caractère professionnel

Il résulte de l'article R441-11 alinéa 3 du Code de la Sécurité Sociale que la caisse doit adresser à l'employeur un double de la déclaration de la maladie professionnelle formulée par le salarié.

Le principe de contradictoire n'est pas respecté lorsque la caisse n'a pas adressé à l'employeur :

* la déclaration de maladie professionnelle

* les certificats médicaux annexés

Cass. Soc. 19 décembre 2002, n°01-20383, Bull. n°403

Cass. Civ. 2, 4  novembre 2003, n°02-30346 :

" Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que, préalablement à sa décision de prise en charge à titre professionnel de la maladie déclarée par M. X, la caisse primaire ne justifiait pas avoir adressé à l'employeur le double de la déclaration de la maladie professionnelle, ni avoir communiqué les certificats médicaux attestant de la maladie professionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés;"

La Deuxième Chambre Civile de la Cour de cassation confirme cette analyse dans cette espèce où l'employeur d'une part avait participé à l'enquête et où, d'autre part, la Cour d'appel avait considéré qu'il "aurait pu"  solliciter la communication du dossier.

* la demande de prise en charge de la rechute de l'accident de travail

Cass. Civ. 2, 2 mars 2004, n°02-31157

Cass. Civ. 2, 21 septembre 2004, n°03-30277

  1. Lors de l'enquête diligentée par la CPAM

Le principe du contradictoire n'est pas respecté lorsque :

* la caisse n'informe pas l'employeur des éléments recueillis au cours de l'enquête et susceptibles de lui faire grief

Cass. Soc. 19 décembre 2002, n°01-20913

* l'employeur qui a été invité seulement à l'issue de cette procédure d'instruction à prendre connaissance du dossier.

Cass. Soc. 19 décembre 2002, n°01-20384

Cass. civ. 2, 13 mai 2003, n°01-21176

* Pour les accidents du travail :

" La décision de la caisse d'admettre le caractère professionnel d'un accident est inopposable à l'employeur de la victime dès lors que l'enquête légale, obligatoire en cas de décès de celle –ci, n'a pas été diligentée de façon contradictoire à l'égard de l'employeur."

L'employeur doit être convoqué à l'enquête ou être présent à l'audition de témoins.

Cass. Soc. 3 juin 1999, n°97-21347, Bull. V, n°259

Cass. 15 novembre 2001, n°00-13137

Cass. Civ. 2ème, 13 mai 2003, n°01-21176

* la caisse n'a pas informé l'employeur des réponses formulées par le salarié au questionnaire qu'elle lui a envoyé,  et qui sont susceptibles de lui faire grief.

Cass. Soc. 4 novembre 2003, n°02-30330.

* la caisse n'a pas informé l'employeur de l'avis du médecin-conseil sur la nature et l'origine de la maladie

Cass. Civ. 2, 14 septembre 2004, n°03-30315

et n°03-30316

* la caisse n'a pas communiqué à l'employeur les conclusions du rapport du collège des trois médecins lesquelles doivent être jointes à l'avis du médecin conseil figurant au dossier.

Cass. Civ. 2, 4 septembre 2003, n°02-30064

* la caisse n'a pas informé l'employeur de la reprise de l'instruction

Cass. Soc. 19 décembre 2002, n°00-21112

  1. Lors de la clôture de l'instruction

Est inopposable la décision de la caisse qui n'a pas informé l'employeur :

* de la fin de la procédure d'instruction

* des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief

* de la possibilité de venir consulter le dossier

* de la date à laquelle elle prévoit de rendre sa décision

Depuis 2006, la deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation est venue préciser les contours des obligations de la caisse concernant l'information sur les éléments recueillis susceptibles de lui faire grief à l'employeur.

Elle décide en substance dans un arrêt en date du 19 octobre 2006 (n°05-18873) que la caisse a satisfait son obligation d'information dès lors qu'elle a invité l'employeur, après la clôture de l'instruction, à venir consulter le dossier dans un délai imparti auquel elle prend sa décision, sans être tenue de lui envoyer une copie de ce dossier.

Il résulte d'un arrêt du 25 octobre 2006, n°05-10950 :

" Attendu que pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge à titre professionnel de la maladie de sa salariée, l'arrêt retient que l'organisme social ne lui a pas indiqué la date à laquelle il prévoyait de rendre sa décision, ni formellement énoncé les griefs qui ont conduit au prononcé de cette décision;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que l'employeur, qui avait participé à l'enquête, avait reçu un courrier de la caisse l'informant de la fin de l'instruction et de la possibilité de consulter le dossier mis à sa disposition dans un délai imparti, de sorte qu'il avait été avisé de la date à compter de laquelle cet organisme social envisageait de prendre sa décision et mis en mesure de connaître les éléments susceptibles de lui faire grief et de contester cette décision.

CASSE Et ANNULE

Enfin la deuxième Chambre Civile décide dans un arrêt du 8 novembre 2006 (n°05 172473) :

" Attendu que, pour déclarer cette décision opposable à la société, l'arrêt retient qu'au cours de l'enquête administrative, M. Y…, gérant de la société , a été entendu et a fait valoir ses observations sur le demande de prise en charge de M. X…;

Qu'en statuant ainsi, alors que la caisse  n'avait informé la société ni de la fin de la procédure d'instruction ni de la possibilité de venir consulter le dossier, la cour d'appel a violé le texte susvisé;

CASSE Et ANNULE"

Il ressort de ces arrêts que la Caisse doit respecter les obligations suivantes :

* Informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction

* Informer l'employeur de la possibilité de venir consulter le dossier

* Mettre l'employeur en mesure de connaître les éléments susceptibles de lui faire grief

* Mettre l'employeur en mesure de contester la décision

En application, est inopposable à l'employeur la décision de la caisse qui :

* n'a adressé l'avis de clôture d'enquête l'informant de la possibilité de venir consulter le dossier que postérieurement à sa décision

Cass. Soc. 19 décembre 2002, n°01-20828

* ne lui a adressé que postérieurement à sa décision les éléments qui l'avaient motivée

Cass. Soc. 19 décembre 2002, n°00-19052

II- Cas d'inopposabilité en cas de contestations ou réserves de l'employeur

* La caisse doit de même assurer l'information de l'employeur tout au long de la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de faire grief.

Cass. Soc. 20 avril 2000, n°98-12517

* La caisse doit, avant de prendre sa décision, envoyer un questionnaire:

            - à la victime

            - à l'employeur

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  • Gontrand CHERRIER anime un blog sur l'actualité du droit de la Sécurité Sociale. Il est titulaire du certificat de spécialisation en droit de la Sécurité Sociale et de la Protection Sociale
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